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Région MENA: les conflits peuvent menacer les progrès accomplis par les femmes de la région

08 mars 2017


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Photoman29 / Shutterstock.com

L’une des pionnières du mouvement féministe au Yémen, Amat Al Alim Alsoswa a occupé diverses postes ministériels et a travaillé comme expert pour la Banque mondiale et comme directrice du bureau régional des Nations Unies. En cette journée internationale des femmes, elle évoque le statut des femmes dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA).

Q : Comment percevez-vous le statut des femmes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord aujourd’hui ?

R : Depuis quelques années, les femmes de la région MENA sont parvenues avancer à grands pas dans certains domaines, notamment l’éducation et la santé. Le degré de participation des femmes à la vie publique s’améliore, induisant d’importants changements de perception au sein des communautés quant au caractère vital de leur rôle. Pourtant, cette grande marche en avant achoppe encore sur certains obstacles. Et malgré des performances supérieures dans l’éducation, les femmes continuent d’être pénalisées dans l’accès aux opportunités par rapport aux hommes.

La situation des femmes dans la région, c’est une évidence, varie d’un pays à l’autre. Dans certains pays, les femmes sont très présentes dans la sphère publique, y compris au niveau politique. Les Émirats arabes unis arrivent ainsi en tête des pays arabes pour le taux de représentation des femmes dans la vie parlementaire, pays où d’ailleurs le porte-parole du Conseil de la fédération est une femme, comme au moins huit ministres fédéraux. Cela se résume souvent à cela. Ce constat vaut aussi pour l’Arabie saoudite où, dans le conseil de la Choura, 20 % des sièges sont occupés par des femmes.

Ces progrès ne se traduisent ni en termes de prise de décisions, ni en termes de justice sociale, ni en termes de représentation proportionnelle dans les instances judiciaires et législatives. En revanche, la participation des femmes augmente sensiblement dans le secteur privé puisque l’on retrouve des femmes à la tête d’entreprises privées de taille moyenne et grande, de banques et de multinationales, notamment dans les pays du Golfe arabo-persique.

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Q : Que pourraient perdre les femmes du fait des conflits dans la région ?

R : Dans les pays menacés par le spectre du conflit et de l’instabilité, les femmes ont bien du mal à préserver les acquis. Elles risquent de perdre tout ce pour quoi elles se sont battues ces dernières années. Mais si les femmes avaient un statut conforme à l’importance de leur rôle, il ne fait aucun doute qu’elles auraient une carte majeure à jouer pour mettre fin aux conflits.

Les femmes font partie des groupes les plus vulnérables et les plus touchés en cas de conflit, les violences se retournant contre elles. Il suffit de voir ce qu’elles subissent dans les camps de déplacés et de réfugiés, mais aussi pendant qu’elles fuient leurs foyers ou leurs pays. On évoque rarement ces souffrances-là.

L’absence d’institutions gouvernementales garantissant l’égalité, la sécurité et le respect des droits pour tous les citoyens se traduit souvent par des violences faites aux femmes.

Il faut rappeler que les femmes sont des pacificatrices et qu’elles jouent un rôle central en prenant part aux opérations de secours mais également en préservant la cohésion sociale et familiale lorsque les hommes abandonnent le foyer parce que la situation devient trop difficile. C’est là que les femmes peuvent prendre l’initiative et endosser des responsabilités pour lesquelles elles n’ont pas été préparées. Donner aux femmes les outils pour agir sur un pied d’égalité avec les hommes est le seul moyen de leur permettre de contribuer aussi vite que possible au retour de la paix.

Q : Pouvez-vous nous parler de votre rôle à la Banque mondiale pour défendre la cause des femmes ?

R : J’ai rédigé un document de réflexion dans le but de faire des femmes un pilier essentiel de la stratégie de la Banque mondiale pour la région MENA. Cette nouvelle stratégie, qui s’adapte aux évolutions de la région, plaide pour l’intégration systématique de considérations liées à l’égalité hommes-femmes dans le but de préserver le rôle des femmes dans le développement.

Le nouveau contrat social qui se construit actuellement dans les pays de la région MENA doit prendre acte de la place centrale des femmes dans la reconstruction. Les femmes sont une composante du changement et il faut cesser de les considérer uniquement comme des victimes. Il faut investir en faveur des femmes et de leur rôle vital.

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