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La jeunesse égyptienne a des idées pour lutter contre le chômage et pointe l’inadéquation des qualifications

21 février 2017


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LES POINTS MARQUANTS
  • Six ans après la révolution, les jeunes Égyptiens sont toujours autant, voire plus, marginalisés par le chômage.
  • Un concours d’essais organisé par le Groupe de la Banque mondiale et l’Economic Research Forum à l’intention des jeunes Égyptiens a permis de les interroger sur leur vision de l’emploi.
  • Deux priorités en sont ressorties : le développement des qualifications, jugé fondamental, et l’aide à la création d’entreprises.

Et si, dans un pays comme l’Égypte, miné par le chômage de masse des jeunes, ces derniers recelaient un potentiel inexploré ? Les jeunes, grâce à leur créativité, n’auraient-ils pas des idées encore jamais testées ou imaginées ? Et si, justement, la jeunesse détenait la clé de la lutte contre le chômage ?

En Égypte, un jeune en quête d’emploi est confronté à toute une série d’obstacles. Selon une note de la Banque mondiale consacré aux jeunes sans emploi en Égypte (a), le pourcentage de jeunes âgés de 15 à 29 ans qui ne n'ont pas d'emploi et ne suivent pas d'études ni de formation (les « NEET » pour not in employment, education or training) s’élève à 40,7 %. Mais ce n’est pas tout : 43,8 % des jeunes hommes âgés de 24-29 ans dans cette situation sont titulaires d’un diplôme universitaire — une qualification apparemment insuffisante pour décrocher un emploi aujourd’hui. La médiocrité des compétences acquises serait donc un frein à l’embauche.

 


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Imane Abdel Fattah Helmy, grand vainqueur du concours


« Pour résoudre le problème de l’inadéquation de la main-d’œuvre, il faut mettre en place un programme global pour le développement des qualifications et pour l’emploi.  »

Imane Abdel Fattah Helmy


Qu’en pensent les intéressés ?

C’est la question que nous avons posée aux 18-30 ans à l’occasion d’un concours d’essais organisé par le Groupe de la Banque mondiale et l’Economic Research Forum du Caire. L’objectif ? Améliorer le droit de regard et le pouvoir d’influence de la jeunesse égyptienne en l’aidant à trouver des remèdes constructifs et inédits face au chômage. Pour la première édition du concours, plus de 100 candidats se sont manifestés, de toute l’Égypte.

Les dix finalistes ont pu défendre leur travail devant d’autres jeunes, mais également des décideurs et des représentants d’organisations de la société civile lors d’une manifestation organisée au GrEEK Campus, un parc technologique situé en plein cœur du Caire. Le public a ensuite voté pour désigner son lauréat, tandis qu’un panel d’experts a passé au crible les travaux des finalistes.

En plus de voir leur essai publié en ligne, les cinq lauréats ont obtenu une reconnaissance financière.

Voici un aperçu de leurs messages.

L’amélioration de l’emploi passe par celle des qualifications

Le grand vainqueur du concours est une jeune femme originaire du Caire, Imane Abdel Fattah Helmy. Selon elle, l’Égypte a un problème d’inadéquation de la main-d’œuvre aux attentes du marché du travail : « La hausse de la demande de main-d’œuvre et la création de davantage d’emplois sont des conditions nécessaires mais non suffisantes pour résoudre le problème du chômage des jeunes en Égypte », écrit-elle. « [Parce que] la plupart des employeurs ont du mal à pourvoir les postes vacants, faute de trouver des candidats ayant les compétences requises. »

Appuyant son argumentation sur une enquête par panel sur le marché de l’emploi datant de 2012, Imane affirme que « les efforts de longue date [consentis par le gouvernement égyptien] pour résoudre le problème de l’inadéquation des qualifications » n’ont pas eu les effets escomptés.

Or, pour constituer un vivier de main-d’œuvre aux compétences adaptées aux attentes du marché, il faut « déployer un programme global pour le développement des qualifications et pour l’emploi », afin d’anticiper les attentes des employeurs.

Les entrepreneurs ont besoin d’un soutien plus adapté

Mais le chômage des jeunes en Égypte ne s’explique pas seulement par leur manque de qualifications. Le pays connaît un grave déficit d’infrastructures qui pourraient pourtant favoriser leur insertion sur le marché du travail.

L’une des autres finalistes, Nour El Wassimy, explique comment le manque de financements, conjugué à une bureaucratie pesante et des lois antitrust inefficaces, pénalise les nouvelles entreprises. « Les jeunes entrepreneurs se heurtent également à de multiples obstacles, puisque ceux qui ont des idées originales n’ont pas le savoir-faire technique ou commercial pour développer leur produit ou leur service. »

Et de pointer ici la responsabilité de l’éducation : « Le système éducatif public [en Égypte] n’impartit pas aux étudiants les compétences requises pour qu’ils puissent décrocher un emploi ou créer leur entreprise. »

Alors que la création d’entreprises est « un facteur clé » à l’efficacité avérée pour permettre une « croissance économique durable », le gouvernement égyptien ne propose toujours aucune aide aux jeunes entrepreneurs.

May Nagy, du Caire, plaide elle aussi pour un soutien de l’État, indispensable pour pérenniser et conforter les aventures entrepreneuriales les plus prometteuses :

« L’Égypte a été le théâtre d’une véritable révolution depuis quelques années, avec l’apparition de multiples initiatives et plateformes qui s’efforcent de soutenir les projets de jeunes entrepreneurs », explique-t-elle. « Malgré leurs succès indéniables, ces initiatives n’ont hélas qu’une portée limitée. Ainsi, elles s’étendent rarement aux zones rurales. Il faudrait mobiliser les services de l’État pour appuyer et promouvoir ce type d’initiatives. »

Alors que l’Égypte a célébré le sixième anniversaire de sa révolution, n’oublions pas ce qui a été le facteur déclenchant de ce mouvement populaire : l’aspiration fondamentale des jeunes à avoir un emploi. Et il y a urgence en la matière…

 


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